11 juin : Soirée de clôture

par Foi et culture  -  #Archives 2022 - 2023

Texte 1 Gen 4 

4 Abel apporta lui aussi des prémices de ses bêtes et leur graisse. Le SEIGNEUR tourna son regard vers Abel et son offrande,

 5 mais il détourna son regard de Caïn et de son offrande. Caïn en fut très irrité et son visage fut abattu.

 6 Le SEIGNEUR dit à Caïn: «Pourquoi t'irrites-tu? Et pourquoi ton visage est-il abattu ?

 7 Si tu agis bien, ne le relèveras-tu pas? Si tu n'agis pas bien, le péché, tapi à ta porte, te désire. Mais toi, domine-le.»

 8 Caïn parla à son frère Abel et, lorsqu'ils furent aux champs, Caïn attaqua son frère Abel et le tua.

 9 Le SEIGNEUR dit à Caïn: «Où est ton frère Abel ?» - «Je ne sais, répondit-il. Suis-je le gardien de mon frère?» -

 10 «Qu'as-tu fait ? reprit-il. La voix du sang de ton frère crie du sol vers moi.

Élégie de Jules MASSENET (1842-1912) pour voix, violoncelle et piano

 

Texte 2 : Christian Bobin  Le Très-Bas, 1992  

Oh, mon père commerçant, oh, mon père qui voudrait m’empêcher de grandir, sais-tu ce qu’il faut de violence pour jouir de vraie douceur, sais-tu que ton fils est fou de douceur folle?

 Ce n’est pas une chimère que j’épouse. Ce n’est pas la pureté que je veux. La pureté laisse l’impur en dehors d’elle et je ne veux plus d’en-dehors, je ne veux plus d’une église avec ses anges dans le chœur et ses diables à la rue, le visage écrasé contre les vitraux comme des pauvres à la Noel aux carreaux du boulanger. Je ne veux plus rien que la vie nue et fraternelle.

Oh mon père raisonnable, mon père raisonneur, on t’a appris qu’il y avait une place pour chaque chose, tu as donc cru qu’il y avait aussi un rang pour chacun, et moi je viens te dire que non: nous ne serons bien rangés qu’au paradis.

En attendant ce jour qui viendra, qui viendra nécessairement, qui viendra sans aucun doute, en attendant ce jour où nous serons serrés au sein de Dieu comme des sous au fond d’une poche, je veux passer tout jardin clos, sauter tout mur de pierre, aller partout en beau désordre.

Hier, je rêvais de princesses et de chevaliers. Aujourd’hui, j’ai trouvé plus grand que mon rêve…

J’ai trouvé la vie et c’est vers elle que je pars, c’est pour elle que je combattrai, c’est son nom que je servirai… La vie, rien que la vie. La vie, toute la vie.

Au bord de l'eau, Gabriel FAURÉ (1845-1924) : voix et piano

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

Texte 3 : Gabriel MOUESCA Non à la violence carcérale. 2018 

Je vais vous dire ce qu’elles m’inspirent, ces fouilles…Au cours d’un parloir, si bref soit-il, nous autres les taulards nous soûlons de vitalité, nous reprenons de l’oxygène sous le regard aimant et bienveillant de nos proches ! Rt vous, l’administration pénitentiaire, avec vos méthodes barbares, vous nous demandez-, avant de regagner nos cellules, d’expulser de notre corps cette vie qui vient d’y entrer. 

Au parloir, on se ressource et vous, votre premier souci c’est de nous ôter ce capital d’humanité dont on s’est chargé pendant une petite demi-heure, une si petite demi-heure.

La prison est une mangeuse d’hommes et ce soir une image me vient à l’esprit. Des falaises surplombent la mer depuis des millions d’années et pourtant un jour l’une d’elles s’effondre. Pourquoi cette falaise qui a tenu le coup tombe-telle un jour ? Inexplicable sauf qu’il a été observé que la falaise pendant des milliers d’années a été attaquée par l’océan. Des vagues, des lames qui viennent, repartent et attaquent la roche. La prison, c’est comme ça. Tu restes debout chaque seconde qui passe et puis, à un moment, comme la falaise qui tombe, tu t’effondres. Tu passes de l’autre côté du miroir, tu arrêtes de communiquer avec les autres prisonniers, tu t’enfermes en toi-même, les murs de ta cellule deviennent comme une seconde peau. A force d’humiliations, de brutalité, d’inactivité et d’inutilité, tu n’as plus de notion du bien, du mal, du jour ni de la nuit, tu n’as plus d’espoir… La majorité des prisonniers s’écroulent à un moment ou à un autre. Le mystère de la prison, c’est celui-là, le mystère de la falaise.

Priez pour paix, Francis POULENC (1899-1963), voix et piano

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

Texte 4 : Psaume 37 

1 De David.  Ne t'enflamme pas contre les méchants, ne fais pas de zèle contre les criminels,

 2 car ils se faneront aussi vite que l'herbe, et comme la verdure, ils se flétriront.

 3 Compte sur le SEIGNEUR et agis bien pour demeurer dans le pays et paître en sécurité.

 4 Fais tes délices du SEIGNEUR, il te donnera ce que ton coeur demande.

 5 Tourne tes pas vers le SEIGNEUR, compte sur lui: il agira,

 6 il fera paraître ta justice comme l'aurore et ton droit comme le plein midi.

 7 Reste calme près du SEIGNEUR, espère en lui; ne t'enflamme pas contre celui qui réussit, contre l'homme qui agit avec ruse.

 8 Laisse la colère, abandonne la fureur, ne t'enflamme pas; cela finira mal,

 9 car les méchants seront arrachés, mais ceux qui attendent le SEIGNEUR posséderont le pays.

 10 Encore un peu et, il n'y a plus d'impie; tu examines sa place, il n'y a plus rien.

 11 Mais les humbles posséderont le pays, ils jouiront d'une paix totale.

 12 L'impie intrigue contre le juste; contre lui il grince des dents.

 13 Mais le Seigneur rit de lui, car il voit venir son jour.

 14 Les impies ont dégainé l'épée et tendu l'arc pour abattre l'humble et le pauvre, pour égorger celui qui marche droit.

 15 Mais leur épée entrera dans leur coeur, et leurs arcs se casseront.

 16 Le peu qu'a le juste vaut mieux que la fortune de tant d'impies,

 17 car les bras des impies casseront, mais le SEIGNEUR soutient les justes.

Cum dederit (extrait du Nisi Dominus), Antonio VIVALDI (1678-1741), voix et piano

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

Texte 5 : Artem Chapeye Ma guerre  La Croix l’hebdo, fév. 2023

Après 9 mois de guerre, j’ai pu enfin aller à l’étranger pour rendre visite à mes enfants.

C,est une situation exceptionnelle pour un militaire: j’étais invité à un festival littéraire et ce déplacement a été approuvé par le commandant en chef des forces armées de l’Ukraine.

La décision a été prise au dernier moment et, dès le premier jour, j’ai été tourmenté par la sensation qu’il existe un fossé entre 2 mondes :

un après-midi, vous patrouillez encore dans le froid, avec des armes dans une installation militaire, et 2 heures plus tard, vous remettez vos armes, le commandant vous emmène prendre un  bus.

Moins d’un jour plus tard, vous vous promenez dans une ville européenne décorée d’illuminations de Noel.

En prenant le tram dans cette ville européenne, j’ai eu l’impression que tout ce qui s’y passait était comme plat, superficiel. Pas tout à fait réel. Un décor dessiné sur une feuille brillante en plastique coloré.

Une semaine plus tard, de retour en Ukraine, je me suis rendu à pied à l’unité militaire dans la petite ville où je suis maintenant en poste. C’était une soirée d’hiver. La ville était presque entièrement plongée dans le noir, à cause des bombardements russes sur les centrales électriques. Seuls, ici et là , des générateurs diesel ronronnaient, certaines fenêtres étaient faiblement éclairées.

J’ai marché dans l’obscurité, et j’ai senti que pour moi, la véritable existence, avec toute la profondeur de l’être, se trouvait ici.

Une existence qu’aucune personne normale pourtant ne choisirait volontairement.

Le chant des oiseaux, Pablo CASALS (1876-1973) : violoncelle et piano

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

Texte 6 : Louis ARAGON Le Fou d'Elsa 1963 

Tout ce que l’homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au dessus de ce corps et contre ses bourreaux
A Grenade aujourd’hui surgit devant le crime

Et cette bouche absente et Lorca qui s’est tu
Emplissant tout à coup l’univers de silence
Contre les violents tourne la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu’on tue

Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais je voyais l’avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porté sur nos rivages

Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l’a touché

Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Quoi toujours ce serait la guerre la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l’enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles

Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d’idoles
Aux cadavres jeté ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou

Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Trois beaux oiseaux du Paradis Maurice RAVEL (1875-1937) : voix et piano

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

Texte 7 : Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune, Paris, Plon [1938] 2012, p.161-162

Le monde est mûr pour toute forme de cruauté, comme pour toute forme de fanatisme, ou de superstition. Il suffirait qu’on en respectât les usages, et, par exemple qu’on s’abstînt de violenter son curieux sentiment de sollicitude envers les bêtes, une des rares acquisitions de la sensibilité moderne occidentale. Je crois que les Allemands s’habitueraient très vite à brûler publiquement leurs juifs, et les staliniens leurs trotskistes. J’ai vu , j’ai vu de mes yeux, j’ai vu moi qui vous parle, j’ai vu un petit peuple chrétien, de tradition pacifique, d’une extrême et presque excessive sociabilité, s’endurcir tout à coup, j’ai vu se durcir ces visages, et jusqu’aux visages des enfants. Il est donc inutile de prétendre garder le contrôle de certaines passions lorsqu’elles sont une fois déchainées. Les utiliserons-nous telles quelles ? Courrons-nous ce risque ?

Pendant des mois, à Majorque, les équipes de tueurs, transportées rapidement de village en village par des camions réquisitionnés à cet effet, ont froidement abattus, au su de tous, des milliers d’individus jugés suspects, mais contre lesquels le tribunal militaire eût dû renoncer à invoquer le moindre prétexte légal. Mgr l’évêque de Palma était informé de ce fait, comme tout le monde. Il ne s’en est pas moins montré, chaque fois qu’il a pu, aux côtés de ces exécuteurs dont quelques-uns avaient notoirement sur les mains la brève agonie d’une centaine d’homes. Cette attitude sera-t-elle demain celle de l’Église ?

Ruhe, meine Seele (Paix Ô mon âme) Richard STRAUSS (1864-1949) : voix et piano

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

Texte 8 : Job, 1 

13 Le jour advint où ses fils et ses filles étaient en train de manger et de boire du vin chez leur frère aîné.

 14 Un messager arriva auprès de Job et dit: «Les boeufs étaient à labourer et les ânesses paissaient auprès d'eux.

 15 Un rezzou de Sabéens les a enlevés en massacrant tes serviteurs. Seul j'en ai réchappé pour te l'annoncer.»

 16 Il parlait encore quand un autre survint qui disait: «Un feu de Dieu est tombé du ciel, brûlant moutons et serviteurs. Il les a consumés, et seul j'en ai réchappé pour te l'annoncer.»

 17 Il parlait encore quand un autre survint qui disait: «Des Chaldéens formant trois bandes se sont jetés sur les chameaux et les ont enlevés en massacrant tes serviteurs. Seul j'en ai réchappé pour te l'annoncer »

 18 Il parlait encore quand un autre survint qui disait: «Tes fils et tes filles étaient en train de manger et de boire du vin chez leur frère aîné

 19 lorsqu'un grand vent venu d'au-delà du désert a frappé les quatre coins de la maison. Elle est tombée sur les jeunes gens. Ils sont morts. Seul j'en ai réchappé pour te l'annoncer.»

 20 Alors Job se leva. Il déchira son manteau et se rasa la tête. Puis il se jeta à terre, adora

 21 et dit: «Sorti nu du ventre de ma mère, nu j'y retournerai. Le SEIGNEUR a donné, le SEIGNEUR a ôté: Que le nom du SEIGNEUR soit béni!»

Louange à l’éternité de Jésus extrait du quatuor pour la fin du temps d’Olivier MESSIAEN (1908-1992)

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

Texte 9 François Cheng, De l’âme, Albin Michel, 2016

Comment oublier d’autres nuits de lune vécues durant ces années initiales- années d’initiation- où mon âme reçut d’autres empreintes indélébiles qui contribuèrent à la rendre définitivement spécifique.

Nous sommes en plein exode dans la campagne chinoise, poursuivis par l’épouvante née des scènes d’atrocités commises par les envahisseurs. L’alerte vient de déchirer l’air de sa stridence annonciatrice de catastrophe. Les minutes passent, nous marchons encore, toutes lanternes éteintes. Nous finissons par trouver un possible abri, sous un pont de pierre. Nous nous y entassons avec d’autres, en attendant que la mort vienne accomplir son œuvre. Tout autour de nous, une nuit vaste et profonde. Contrastant avec l’angoisse humaine, la nature suit son cours, imperturbable, sereine. L’avons-nous jamais écoutée aussi intensément que cette nuit- la? L’eau de la rivière écoule son bruissement toujours vif, que n’interrompt point le chant intermittent des grillons. De plus loin nous parviennent le c des crapauds et quelques cris d’oiseaux de nuit, lugubres, prémonitoires. Surgissant alors de la nuit, volant bas, les avions passent au-dessus de nous, vers la vile assez proche, cible de leur bombardement. Éclairs, fracas, longs jets de feu entrecroisés, nuages transformés en geysers par les flammes montantes. Scène éblouissante à sa manière, vue de loin. Scène brusquement proche: voilà que les avions, effectuant leur retour, repassent au-dessus de nous, se vidant du reste de leurs engins explosifs. Ils volent si bas que leurs occupants peuvent , profitant de la nuit claire, prendre un malin plaisir à nous mitrailler à loisir. Les cris humains ne tardent pas à se mêler à ceux de la nature. Chairs déchiquetées, corps écrasés de ceux qui ont eu l’imprudence de se mettre sous les arbres ou dans des logis précaires. Tout près de nous, un enfant a la tête atteinte par un éclat de bombe. Un bref cri, suivi de la longue lamentation de sa mère. O toi, mère tenant dans tes bras l’enfant mort! Ton image peut-elle jamais s’estomper! Je penserai à toi devant toutes les Pieta qu’il me sera donné de voir tout au long de ma vie….

L’âme qui reçut tout cela n’oublia plus. Elle sut, cette nuit-là qu’elle aurait à lutter contre quelque chose de plus que la souffrance: le mal. Un mal qui est enraciné en l’homme, donc en elle-même.

Élégie Gabriel FAURÉ (1845-1924) : violoncelle et piano

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

Texte 10 : Mgr André Dupleix Conférence 16 janvier 2023 

La  foi chrétienne et le développement progressif de la doctrine et de la théologie chrétienne ne vont pas méconnaître ce qui sera considéré comme le mal absolu, la mort de l’autre ou la destruction individuelle ou sociale, c'est-à-dire une forme grave de péché, mais opposera à cela les paroles et l’attitude du Christ, faisant à tout moment et jusqu’au geste ultime de la mort violente sur la croix, triompher l’amour. […]

La violence non plus n’est pas morte mais nous savons, nous chrétiens  – et bien des événements passés ou présents le confirment – que les forces de l’amour déployées par la résurrection du Christ sont à la mesure des défis lancés par la violence. Oui, nous pouvons dire que L’AMOUR EST PLUS FORT QUE LA VIOLENCE ET C’EST CELA QUI EST SACRÉ…

Panis angelicus, César FRANCK (1822-1890) : voix, violoncelle et piano

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture

 

11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture
11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture
11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture11 juin : Soirée de clôture
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :